L’affaire de “la femme enceinte enlevée” à Guédiawaye alors qu’elle se promenait va connaitre son épilogue ce vendredi. Et, sauf revirement de dernière minute, les limiers qui ont hérité du dossier feront face à la presse pour expliquer à l’opinion les tenants et les aboutissants de cette rocambolesque histoire de “kidnapping de femme enceinte” en pleine capitale sénégalaise et “le vol de son bébé” après l’avoir assisté à accoucher pour ensuite libérer la maman. Kéwoulo vous plonge au cœur d’un crime imaginaire sans précédent au Sénégal.
Elle s’appelle Mame Fama Coundoul alias Mame Penda ou «Maman Coundoul» et elle vient de rejoindre la courte liste des Sénégalaises qui ont occupé la Une des journaux après avoir dénoncé des crimes et délits imaginaires. Jusque-là considérée comme une victime, cette femme âgée de 37 ans passe désormais pour une délinquante pour avoir dénoncé un crime inexistant. Entendue par les policiers du commissariat de Wakhinane Nimzatt en qualité de partie civile, elle est désormais en garde à vue et pourrait être poursuivie pour “dénonciation d’un crime imaginaire” si le procureur ne lui trouve pas des circonstances atténuantes et l’absoudre de toute poursuite judiciaire.
Mariée depuis plus de 10 ans, Mame Fama Coundoul n’avait pas réussi à offrir un héritier à son foyer. Et, si son mari ne lui en aurait jamais voulu, ce n’est pas le cas de la belle famille et de cette société sénégalaise si inquisitrice jusque sous les drap et prompte à vouer aux gémonies les femmes incapables de procréer. Alors, pour mettre un terme à cette situation “d’humilitation permanente”, elle a mis en place un projet glauque: il s’agira de faire croire qu’après 10 ans d’echec elle était devenue enceinte et cette fois ci sera la bonne. Pour celà, elle s’est débrouillée pendant plusieurs mois à créer, avec des tissus dissimulé sous ses habits, un ventre artificiel dont la taille augmentait au cours des mois de “sa grossesse”. Avant d’en arriver à ce simulacre, c’est de bonne foi que Mame Fama avait cru et dit à son époux, immigré en Espagne, qu’elle était tombée enceinte, une énième fois.
Cette fois-ci, contrairement aux autres fois, elle a décidé qu’elle ne décevrait pas son homme. Ainsi donc, même lorsqu’elle s’est rendue compte qu’elle n’était pas enceinte, elle a continué à pousuivre son scénario.
Et, puisque toute chose a une fin, c’est le lundi dernier, 14 aout 2023, qu’elle a décidé le clap de son film. Ce jour-là, comme toujours depuis quelques mois, elle s’est absentée de son foyer conjugal et a décidé d’aller se dégourdir les jambes. “Elle est partie toute seule. Et, après plusieurs heures sans la voir revenir, nous sommes montés sur la terrasse pour voir si elle n’y était pas. Parce qu’il lui arrivait d’y aller se promener. Comme elle n’était pas là, nous avons appelé sur son téléphone qui était éteint.” Avait témoigné une de ses parentes.
Pendant ce temps, alors même que la police n’était pas encore saisie, une dame identifiée sous le nom de Mame Diarra Sène est entrée en scène. Sur les réseaux sociaux, elle appelait à l’aide et racontait comment “une femme enceinte de 9 mois a disparu.” Comme une bombe, la nouvelle fait son effet. Tout le monde pense que le bébé aurait été volé pour satisfaire un sacrifice humain pour le dessein des politiciens. Soudain, à travers le pays, une peur bleue se réinstalle à la veille de cette maudite élection présidentielle qui n’a, déjà, que trop endeuillé le Sénégal.
Le mardi 15 aout 2023. Alors que tout le monde la recherche depuis la veille, Mame Fama refait surface. A son monde comme à la police elle raconte sa mésaventure. “Je me promenais lorsqu’une voiture de type 4X4 de couleur noire s’est arrêtée devant moi. De gros gaillards sont sortis et m’y ont embarqué de force. Ensuite, ils m’ont amené dans un bâtiment en construction ou j’ai été forcé à accoucher. Ensuite, ils m’ont amené à Castor et m’y ont abandonné, en partant avec mon bébé.”
Comme elle, la femme qui l’aurait recueillie à Castor et chez qui elle a dormi va intéresser les policiers. Entendue sur Procès-verbal, cette personne identifiée sous le nom de Oumy Ndao va finir par craquer. Elle est l’une des amies intimes de Mame Fama Coundoul et elles avaient cogité le scénario ensemble. Cette découverte va pousser les enquêteurs à interpeller la lanceuse d’alerte qui avait poussé les Sénégalais à s’intéresser à l’histoire: Mame Diarra Sène. Interpellée par la police, elle aussi passe aux aveux. “Mais, c’était pour aider (leur) copine” ont-elles fait savoir.
Il n’y pas que ces deux dames dans cette rocambolesque histoire: si aucun kidnappeur n’a existé en réalité, ces “âmes sociables”, qui ont aidé Mame Fama Coundoul à créer son feuilleton, ont compté sur la cupidité d’un homme, Amadou Wellé. Pour rappel, le mari de Mame Fama est en Espagne au moment de “la disparition de son épouse et de son bébé”. Pour asseoir la thèse de l’enlèvement, son épouse avait donné son numéro à Amadou Wellé pour lui faire croire qu’il fait partie de la bande qui retient sa femme. Se sentant dépassé par la tournure des événements, l’homme avait décidé de tout abandonner pour venir au Sénégal, hier jeudi. Au cours de leurs auditions, les enquêteurs de Wakhinane Nimzatt ont découvert que Amadou Wellé a reçu 20.000 FCFA (30 euros) pour accepter le rôle du kidnappeur.
Contrairement à ce qui avait été dit dans une certaine presse, aucun kidnappeur n’a été arrêté par la police de Malika et les examens gynécologiques demandés sont toujours attendus. Échaudés, certainement, par l’affaire Dr Gaye -dans l’affaire Adji Sarr-, les blouses blanches tardent à répondre aux réquisitions à personne compétente que les policiers leur ont servi. Et tout porte à croire que cet avis médical ne viendra pas au moment du bouclage de ce dossier ultra médiatisé. Pendant ce temps, gardés à vue, tout ce monde pourra être déferré le lundi prochain au parquet de Guédiawaye pour dénonciation de crime imaginaire.
