Situé dans la banlieue dakaroise, le village des pêcheurs de Thiaroye-sur-mer continue de ruminer sa colère. Trois jours après le double drame qui a frappé la localité, les habitants sont toujours secoués par le drame survenu jeudi dernier dans leur paisible cité. Pour eux, le drame à l’origine de la colère et de la vendetta populaire n’est qu’une barbarie jamais connue des anciens. Et pour mieux comprendre les conditions du double drame, Kéwoulo est retourné sur les lieux des crimes. Reportage au coeur l’innommable.
Lundi 29 janvier 2024. Nous sommes à Thiaroye Sur Mer, à une quinzaine de kilomètre du centre-ville de Dakar. C’est ici, dans ce traditionnel village Lébou, où la principale activité est la pêche, que s’est déroulé un drame inédit jamais évoqué par les plus anciens du village adeptes devant l’éternel des grands places. Trois jours auparavant, le jeudi plus exactement, Baye Cheikh Diop, un pêcheur âgé de 18 ans a été tué par un de ses collègues, Baye Cheikh SAMB, ce dernier est originaire de Fass Boye, dans la région de Thiès. Pour rappel, c’est de cette autre grosse bourgade de pêcheurs qu’étaient partis, en juillet 2023, une pirogue devant rallier l’Europe. Avec ses 101 passagers candidats à l’immigration clandestine, elle n’est jamais arrivée à bon port, retrouvée qu’elle a été, le 15 août 2023, au Cap-Vert avec seulement 8 rescapés.
Quatre jours auparavant, le 25 janvier dernier, c’est vers les coups de 17h alors qu’ils s’apprêtaient à partir en campagne en mer qu’une altercation a opposé les deux protagonistes. En effet, ces deux jeunes pêcheurs qui ironie du sort portaient les mêmes prénoms et sont nés à la même date se sont battus. Baye Cheikh SAMB, le jeune pêcheur originaire de Fass Boye, prenant son adversaire par surprise et par derrière, s’est emparé d’un couteau qu’il lui a planté dans le cou avant de tenter de l’égorger. Atteint mortellement, le natif de Thiaroye sur Mer ne s’est jamais relevé. Choqué par la brutalité de l’acte du saisonnier, les voisins et parent de la victime se sont lancés à la poursuite du meurtrier et l’ont lynché à mort.
La Douleur et souffrance des populations
En ce lundi, quatrième jour après le drame, la détresse et tristesse sont encore perceptibles sur les visages. Alors que ce jour était traditionnellement consacré à la cérémonie mortuaire du 3ème jour, à Thiaroye c’est l’heure de l’enterrement de Baye Cheikh Diop. Les formalités administratives -enquête et autopsie- ayant lourdement retardé les recommandations cultuelles. ”Plus jamais ça! Nous ne sommes pas des barbares. Notre village n’a jamais connu ces genre d’actes cruels et nous faisons appel à toutes les autorités sénégalaises pour lutter contre ce genre d’action; parce que nos fils sont appelés à faire des campagnes de pêche ailleurs, donc nous voulons que la paix règne. Et j’appelle à tous les jeunes à la paix et à la sérénité”. A déclaré Pape Diadji Sall, le chef du village de Thiaroye-Sur-Mer.
Revenant sur les faits ayant conduit à ce double drame, il a fait savoir qu’il a tout fait pour sauver la peau du meurtrier de Baye Cheikh SAMB. ‘C’était juste après la prière de 17h, j’ai entendu des voix disant :”il l’a égorgé, il l’a égorgé….”. Choqué par ces mots qui sont d’une cruauté innommable, j’ai senti les poils de mon cœur se dresser sur tout mon corps et mon cœur se mettre à battre à une vitesse anormale. J’ai eu très peur et c’est pour cela que j’ai tout laissé derrière moi; pour aller voir ce qu’il en est réellement. Arrivé sur les lieux, j’ai vu le corps de Cheikh Diop baignant dans une mare de sang, la gorge tranché. Il était allongé par terre, la scène était terrible qui m’a laissé sans voix. Immédiatement, j’ai essayé de sauver le tueur, en l’enfermant dans une chambre des voisins. La foule en furie voulait en finir avec lui et j’ai essayé de le sauver. Malheureusement, les populations sont venues nous sortir de force de cette chambre, en cassant fenêtre et porte pour aller lyncher Baye Cheikh SAMB à mort, sur la plage. Sur la même place où a été tué l’autre Baye Cheikh”. Le natif de Thiaroye.
