Apres la colère et l’écœurement suscités par les images de la vente aux enchères de nos
frères, diffusées par la chaine CNN, l’heure est venue de situer les véritables responsabilités.
L’appel à la mobilisation lancé par Claudy Siar relayé ensuite par Alpha Blondy et koffi
Olomide, a sonné le réveil d’une opinion publique africaine et diasporique qui semblait
pétrifié par l’énormité de l’humiliation. Comme la plupart des africains et afro-descendants j’ai été atteint dans ma chair, en voyant ces jeunes, en qui je peux si aisément m’identifier,
enchainés et vendus comme du vulgaire bétail.
J’aurai pu, à la faveur d’un très léger trébuchement du destin, être un de ses jeunes esclaves. Je l’avoue, ces images m’ont plus fait peur qu’autre chose. J’ai eu peur devant ce constat de l’insignifiance de la dignité de
l’homme noir et encore plus de l’Africain noir.
‘‘Black Lives Matter’’ aux Etats-Unis et les innombrables autres mouvements en Europe, en
France plus particulièrement, qui réclament juste un peu moins d’injustice, sont autant
d’appels au secours d’une diaspora noire cantonnée au rang de bouc émissaire et de
souffre-douleur de sociétés occidentales saisies de fièvre identitaire et xénophobe. Il est
aussi important de souligner que les violences xénophobes anti-africains ont aussi cours sur continent africain même. Pire, au pays de Mandela.
La situation que vivent nos frères en Lybie, va bien au-delà des questions de droits de
l’homme. L’indignation générale ne doit point nous empêcher de poser la bonne question :
Comment en sommes-nous arrivés là ?
La question je la poserais en premier lieu aux chefs d’états des pays dont les ressortissants
sont actuellement entre les mains de négriers sans foi ni loi. D’ailleurs, ils sont curieusement discrets ces chefs d’états qui pourtant nous avaient fait la démonstration de leur extraordinaire capacité d’indignation suite aux tragiques attentats de Charlie Hebdo.
Rappelez-vous de ces images de Mahamadou Issoufou, Ibrahima Boubacar Keïta, Macky
Sall, Thomas Boni Yayi (pleurant à chaudes larmes), Faure Gnassingbé et Ali Bongo, se
bousculant au premier sang de marche du 11 janvier 2015.
Cette bande de tartuffes ne pourra pas continuer à se défiler encore longtemps face à sa
responsabilité. Pourquoi des jeunes sénégalais, maliens, burkinabés, ivoiriens, guinéens se
sont retrouvé marchandises en Lybie ? Qui sont les responsables de la misère qui poussé
des centaines de milliers de jeunes africains sur les sentiers de la mort.
Qui a volé à la jeunesse africaine son droit élémentaire de pouvoir rêver son avenir sur la
terre de ses ancêtres ? Certainement pas les charognards d’impérialistes, tenants de la France-Afrique qui ne font, en réalité, que profiter de la situation pitoyable de nos états en
déliquescence.
Les véritables responsables sont nos dirigeants gavés au foie gras, qui depuis bientôt 60
ans maintiennent les populations dans l’obscurantisme le plus profond et l’indigence la plus
crasse.
Au-delà de la responsabilité partagée des gouvernants qui se sont succédé à la tête de nos
états, chacun d’entre nous doit interroger la sienne. Ceux qui nous dirigent sont à notre
image. Ils sont les produits d’une société africaine aux valeurs travesties, régie par de
profonds et implacables processus de déresponsabilisation.
Bara Seck
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