«Il y a des lobbies qui agissent pour le retrait du projet de loi»
Abdoulaye Ndao, le Président de la Fédération sénégalaise des praticiens de la médecine traditionnelle est très remonté contre certains professionnels de la santé. Dans cet entretien-express, il porte la réplique à l’Inter-ordre des médecins sur le pied de guerre pour barrer la route à ce projet de loi.
Le projet de loi relatif à l’exercice de la médecine traditionnelle a été remis aux députés, mais l’Inter-ordre des médecins prévient contre des conséquences «néfastes». Quelle lecture en faites-vous?
Nous sommes surpris et étonnés de la réaction de ces professionnels de la santé. On n’arrive pas à comprendre comment l’inter-ordre de la santé peut se liguer contre un tel projet, qui ne cherche qu’à réglementer la médecine traditionnelle. Car le constat est général, tous les Sénégalais reconnaissent que le secteur de la médecine traditionnelle est mal organisé. Il faut donc le réglementer et l’encadrer. Il est même urgent, avec son développement fulgurant, que le secteur de la médecine traditionnelle soit doté d’un cadre juridique réglementaire.
C’est une question de santé publique qui interpelle tout le monde. Nous savons les dangers qu’il y a dans le secteur de la médecine traditionnelle s’il continue de n’être pas réglementé. Aujourd’hui, chacun peut se réclamer tradipraticien, car il n’y a aucune réglementation. Les Sénégalais croient à la médecine traditionnelle, donc si on ne la réglemente pas, les gens continueront de la pratiquer dans leur maison. On devrait donc accompagner l’Etat dans sa volonté de vouloir réglementer le secteur. Parce que le danger est imminent.
Mais l’Inter-ordre ne combat pas la médecine traditionnelle, il alerte sur les dangers et les manquements du texte ?
Le projet de loi a été bien fait. Nous n’avons noté aucun manquement dans le texte. Depuis plus de 25 ans, nous courons derrière ce projet de loi. On s’est battu pour que le secteur soit réglementé, puisque le Sénégal est en retard dans ce domaine. Plusieurs régimes sont passés sans pouvoir réaliser ce projet, aujourd’hui qu’il est en phase de finalisation, on n’acceptera pas que des gens le torpillent. A quel but ? On ne sait pas. Le projet de loi est complet et il a suivi toute la procédure normale.
Mais, l’Inter-ordre cherche toujours des griefs en s’attaquant à l’exposé des motifs, à la création d’un Conseil national des praticiens de la médecine traditionnelle, entre autres, pour diaboliser le projet de loi. Ils tentent de bloquer les ambitions du Sénégal de se conformer aux normes internationales. Et c’est l’Organisation mondiale de la santé (Oms) qui demande de réglementer le secteur de la médecine traditionnelle au Sénégal parce que près de 80 % de la population l’utilise.
Aujourd’hui, l’essentiel est que la médecine traditionnelle soit dotée d’un cadre juridique réglementaire. Ça devrait être le combat de tous. Donc, nous pensons que l’Inter-ordre de la santé cherche à amuser la galerie.
Mais, ils invitent simplement à la concertation pour mieux réglementer le secteur ?
Nous ne sommes pas convaincus de leur bonne foi. Le projet a été initié par le ministère de la Santé en collaboration avec tous les acteurs et des experts ont travaillé pendant plusieurs années sur la question pour produire ce document. Du début à la fin, pendant 25 ans, je suis témoin de tout ce qui a été fait. On ne peut pas alors nous parler de manque de concertation. Tous les acteurs ont été associés aux travaux. Le projet de loi a été élaboré en concertation avec tous les acteurs. Qu’on n’arrête donc de diaboliser le travail d’honnêtes citoyens.
Vous estimez que l’Inter-ordre combat le projet ?
On ne dit pas qu’ils combattent le projet. Mais, on ne peut pas comprendre que des professionnels de la santé manœuvrent pour que le texte ne soit pas adopté par la Représentation nationale. Il y a des lobbies qui agissent pour que le projet soit retiré. Et leur acharnement nous pose vraiment problème. Mais, ce qui nous intéresse, c’est le bien-être des populations, leur santé. Car même s’il n’y a pas un cadre juridique réglementaire, on peut rester chez nous et continuer notre travail. Donc, si nous luttons pour que la médecine traditionnelle soit régie par un cadre juridique, c’est parce que la santé des populations est en danger.
Pensez-vous que le projet va régler le problème de la pratique de la médecine traditionnelle ?
Absolument. Certes, c’est normal que des gens aient des inquiétudes, mais ils doivent savoir qu’un projet de loi, c’est un cadre global. Il sera ensuite renforcé par des décrets d’application. Le travail reste. Et nous soutenons l’Etat, parce que c’est une demande sociale
