Adulé hier par une jeunesse qui croyait pouvoir sanctionner un vieux président qui a osé le troisième mandat, le colonel Mamady Doumbouya fait face à une contestation sans aucune mesure pour un président qui vient tout juste de boucler un an de pouvoir. Ses crimes de sang -jusque-là non encore élucidés- lors de sa prise de pouvoir comme des soupçons de malversations financières, de trafic international de drogues et de corruption ont poussé de nombreux guinéens à regretter Alpha Condé, en exil sanitaire à Istamboul. Conscient des écarts de son ancien protégé, Alpha Condé retrouve du poil de la bête et envisage désormais son retour aux affaires.
La Guinée retient son souffle. Alors que le pays fait face à son histoire avec la poursuite du procès des anciens dignitaires, soupçonnés de crimes d’assassinats et de viols commis sur des militants de l’opposition le 28 septembre 2009, les Guinéens ont été surpris de revoir des clichés de leur vieux président, Alpha Condé, 84 ans. Sur ces photos publiées sur les réseaux sociaux comme dans les débats suscités par l’interview accordée par le successeur du Président Sékouba Konaté dans laquelle il accuse ouvertement la France de soutenir son ancien soldat, les Guinéens ont découvert que, malgré les humiliantes conditions de son départ du palais Sékoutourèya, le siège de la présidence de la République, le président Alpha Condé n’a pas renoncé à son pouvoir.
D’ailleurs, des amis comme des soutiens du président Condé continuent de laisser entendre que “il est toujours le chef de l’État de la Guinée; puisqu’il n’a jamais renoncé à sa fonction. Et, en tant que tel, des amis vont l’aider à retrouver son pouvoir.» Chassée de la Guinée depuis le «Non» historique de Sékou Touré, lors du Référendum du 28 septembre 1958, l’ancienne puissance colonisatrice -qui est bannie par presque tous les voisins de la Guinée- trouve, désormais, grâce auprès du nouveau squatteur du palais de la République. Son ambassadeur est le premier conseiller du patron du Comité national du rassemblement pour le développement, CNDR, et la France commence à reprendre pieds dans les affaires. «Il ne peut en être autrement : Sa femme est un officier français de gendarmerie, toujours en fonction. Et ses enfants sont français.» Reconnait l’entourage du dernier putschiste de Conakry.
Pendant ce temps, à Istamboul où se trouve “pour des raison de santé”, le président Alpha Condé a repris du service. “Il consulte ses anciens collaborateurs pour rassembler ses troupes, il est inquiet de la situation de Kassory Fofana et du Dr Mouhamed Diané et parle même avec ses anciens adversaires, dont Cellou Dalein Diallo.” A fait savoir Mamady Sinkoung Kaba, ancien chef du protocole du président Alpha Condé. Et cet activisme débordant du vieux président guinéen n’est pas sans causer du soucis aux nouveaux tenants du palais de Conakry. Il y a de quoi avoir peur. Avec un Alpha Condé libre de ses mouvements, capable de consulter tous azimuts, l’ancien caporal de la Légion étrangère de France à de véritables raisons de surveiller ses arrières. D’ailleurs, à Conakry, des sources militaires guinéennes ont affirmé à Kéwoulo que “le colonel Doumbouya est devenu paranoïaque, il soupçonne tout le monde de comploter contre lui. Et, pour fidéliser ses hommes, il donne des primes de 5 millions de FG à chacun des membres de sa garde rapprochée en sus de leurs salaires mensuels.»
«Ancien mercenaire de la France» avec un salaire de 1200$, le colonel Mamady Doumbouya est aujourd’hui l’homme qu’il faut rencontrer pour faire des affaires en Guinée. Soupçonné d’avoir ouvert les frontières de son pays aux narcotrafiquants, l’auteur du coup d’État du 5 septembre 2021 porte sur sa conscience la mort de cinq éléments de la garde présidentielle, presque «tous froidement abattus à bout portant par Mamady Doumbouya et ses hommes. En plus, ils ne leur ont même pas offert une sépulture décente. Ces cinq soldats assassinés ont été enterrés dans une fosse commune au sein du palais de la République.» S’il n’y avait que ces crimes qu’on pourrait reprocher à l’actuel patron, il y a de quoi craindre pour les membres du CNDR de les retrouver à défaut du box des accusés de la Cour pénale Internationale sur les banc d’un tribunal spécial comme celui qui, aujourd’hui, juge l’ancien président Moussa Dadis Camara de crime d’assassinat, de torture et de viols.
