Québec : Canada : Les détails du procès secret demeureront secrets, tranche la Cour d’appel

Un groupe de médias, incluant La Presse, a été débouté par la Cour d’appel mercredi après avoir demandé la publication de plus d’informations concernant le procès secret d’un informateur de police.

Les requérants incluent également la juge en chef de la Cour du Québec et le procureur général de la province, de même que d’autres médias comme Radio-Canada, La Presse Canadienne, le Groupe TVA et la Montreal Gazette.

Collectivement, ils demandaient notamment la levée d’ordonnances de caviardage et de mise sous scellés, un accès au dossier d’appel, et la levée d’ordonnances de confidentialité dans ce dossier rendu public en mars par la Cour d’appel et La Presse. Les requêtes ont été rejetées en raison des exigences du « privilège de l’indicateur » qui vise à protéger l’identité des informateurs de police.

« Il est inacceptable qu’un procès puisse avoir lieu dans le secret le plus complet. Et il est sidérant de voir qu’une fois la situation mise en lumière, la cour d’appel ne rectifie pas le tir », a déclaré François Cardinal, éditeur adjoint et vice-président Information de La Presse, en réaction à la décision.

L’affaire concerne un informateur accusé d’un crime dont il a lui-même révélé l’existence aux enquêteurs, ce qui semblait violer les termes de son entente avec la police. La Cour d’appel avait auparavant accueilli une requête en arrêt des procédures contre l’informateur pour cause de « conduite abusive de l’État » après que l’accusé ait été condamné en première instance.

En ce qui concerne la décision de mercredi, elle opposait le privilège de l’indicateur au principe de la publicité des débats judiciaires. Ce principe est un « pilier d’une société véritablement démocratique », souligne la Cour dans un jugement dont la version publique est partiellement caviardée.

Or, lorsqu’il s’applique, le privilège de l’indicateur « supplante le principe de la publicité des débats judiciaires ». Aussi étonnant que cela puisse paraître, aucun des renseignements qu’elle a caviardés dans la version publique de son arrêt (23 mars 2022) ne peut être divulgué en raison des « circonstances très particulières » du cas, peut-on lire dans la décision.

« La confiance du public envers le système judiciaire vient en grande partie de son caractère public, et du relais qu’en font les médias, a ajouté M. Cardinal. Il est donc très décevant de voir la Cour d’appel porter un jugement qui va à l’encontre de ce principe. Et empêcher par le fait même les journalistes d’accomplir leur travail. »

Dans son jugement rendu en mars, la Cour d’appel s’était alarmée d’avoir découvert la tenue d’un procès dont toutes les traces avaient été effacées. Elle avait qualifié le processus de « contraire aux principes fondamentaux » de la justice et « incompatible avec les valeurs d’une démocratie libérale ».

Les informations qui demeurent inconnues incluent la nature de l’accusation contre l’informateur et du crime commis, la sentence rendue en première instance, l’endroit où s’est tenu le procès, le nom du juge, des procureurs et des avocats de la défense impliqués.

« Tous ces renseignements sont susceptibles de permettre d’identifier l’indicatrice de la police », dont on ne connaît pas non plus le genre et qui est appelée « Personne désignée » dans le jugement de mercredi. Aucun changement ne sera donc apporté au caviardage de la décision du 23 mars. Même chose pour les demandes de descellement.

Par ailleurs, la Cour d’appel ne s’estime pas compétente pour accueillir les demandes de levée des ordonnances de confidentialité prononcées en première instance. « Que cela ait pour conséquence de placer les requérantes “médias” dans une situation d’impossibilité d’agir n’y change rien », tranche le tribunal.

Enfin, la requête de la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, « sera rejetée pour des motifs supplémentaires dont certains sont caviardés ».

Pour M. Cardinal, de La Presse, cette décision s’inscrit dans une tendance. « Malheureusement, ce n’est pas un geste isolé, a-t-il dénoncé. Les juges de toutes les cours acceptent avec de plus en plus de facilité les demandes restreignant la publicité des débats judiciaires, ce qui tient les médias à distance, et donc le grand public. »