Le journaliste sénégalais René Capain Bassène a entamé lundi 13 novembre 2022 une grève de la faim d’une durée illimitée dans la prison de Ziguinchor où il est détenu. Accusé de complicité dans l’affaire de Boffa Bayotte, le massacre, en janvier 2018, de 14 bûcherons dans une forêt classée de Casamance, il a été condamné à la peine de prison à perpétuité en juin 2022. Il a toujours clamé son innocence et se dit victime d’une machination pour se débarrasser de lui. Journaliste d’investigation, il avait mis en lumière les vicissitudes du pouvoir sénégalais dans le traitement du conflit en Casamance, et dénoncé l’inaction de ceux qui se présentent comme intermédiaires et faiseurs de paix.
Récemment, l’Etat sénégalais a négocié un accord de paix avec un des principaux chefs de la rébellion, César Atoute Badiate, qui se trouve être un des co-accusés du journaliste René Capain Bassène. Il a été condamné par contumace à la prison à perpétuité. Mais la date de l’accord, le 4 aout 2022, laisse penser que des pourparlers étaient déjà en cours en juin 2022, au moment où les magistrats rendaient leur verdict. C’est précisément pour dénoncer cela que René Capain Bassène a entamé une grève de la faim. Selon lui, on ne peut pas dans le même temps dire que César Atoute Badiate est introuvable, le condamner par contumace, et négocier avec lui, alors qu’il est accusé d’être le principal commanditaire de la tuerie de Boffa Bayotte. Par ailleurs, le journaliste emprisonné considère qu’il n’y a jamais eu de véritable enquête et que les coupables courent toujours.
Par cette grève de la faim, René Capain Bassène entend aussi secouer la justice sénégalaise pour être édifié sur son sort. Il a fait appel de son jugement juste après le verdict, mais rien ne s’est passé depuis. Selon le Mouvement Vision citoyenne de défense des droits de l’homme, « des recours en justice peuvent se perdre au Sénégal pendant des années ».
Le 6 novembre dernier, le journaliste sénégalais Pape Alé Niang, patron du site Dakar Matin, a été arrêté puis incarcéré pour avoir divulgué des informations susceptibles de nuire à la défense nationale. Ces faits sont inacceptables et se reflètent dans la place qu’occupe désormais le Sénégal en matière de liberté de la presse. En un an, il est passé du 49ème rang au 73ème rang, soit une chute de 24 points. Mais contrairement à René Capain Bassène, Pape Alé Niang a bénéficié du soutien de sa profession, dans son pays comme à l’étranger. Le journaliste spécialiste du conflit casamançais, lui, n’a été soutenu ni par le syndicat de journalistes sénégalais Synpics, ni par Reporters sans frontières, ni par aucune organisation internationale de défense des droits de l’homme. Cela s’explique en partie par le fait qu’il n’a pas été condamné pour un délit de presse, mais pour une affaire de meurtre. Pourtant, il n’est pas rare, en Afrique ou ailleurs, que des journalistes soient accusés de terrorisme ou de séparatisme, alors que c’est à leur plume qu’on en veut. De plus, le conflit casamançais reste au Sénégal un sujet tabou, sur lequel très peu de journalistes osent s’exprimer.
Tirer du blog de François Badaire
