Le tribunal des flagrants délits de Dakar a été le théâtre, ce mercredi, d’une audience tendue dans l’affaire impliquant Daba Mbodji, plus connue sous le pseudonyme de Gaïndé Macky. Âgée de 46 ans et exerçant la profession de commerçante à la cité Fadia, l’accusée a comparu pour des faits présumés d’offense à un responsable politique, suite à des propos tenus en direct sur TikTok. Le parquet a requis une peine de six mois de prison ferme, tandis que la défense plaide pour un sursis. L’affaire a été mise en délibéré au 20 octobre prochain.
Tout est parti d’une vidéo diffusée en direct sur la plateforme TikTok, où Daba Mbodji, militante notoire de l’Alliance pour la République (APR), le parti au pouvoir sous l’ère Macky Sall, s’est laissée aller à des commentaires virulents. Dans cette séquence, devenue virale, elle a tenu des propos jugés offensants à l’encontre d’Ousmane Sonko, leader du Parti des Travailleurs et de la Justice Sociale (PASTEF) et figure emblématique de l’opposition sénégalaise. Interrogée par le procureur sur l’identité du leader du PASTEF, l’accusée a répondu sans ambages : “Ousmane Sonko”. Ces déclarations ont rapidement alerté les autorités, menant à une saisie de la vidéo par la Division spéciale de cybersécurité (DSC).
Arrêtée le 1er octobre dernier, Daba Mbodji a été placée en garde à vue avant d’être déférée le lendemain pour “injures publiques” et “discours contraires aux bonnes mœurs”. Placée sous mandat de dépôt le 2 octobre, elle a attendu patiemment la tenue de son procès, initialement prévu plus tôt mais reporté au 15 octobre en raison de contraintes procédurales. Cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large de tensions autour de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux au Sénégal, où plusieurs militants et influenceurs ont été poursuivis ces derniers mois pour des publications controversées.
À l’ouverture de l’audience, Daba Mbodji est apparue affaiblie, s’appuyant sur des béquilles en raison d’un état de santé précaire. Malgré cette image touchante, le procureur n’a pas été ému et a maintenu sa requête ferme : six mois d’emprisonnement sans sursis. “Les propos tenus par l’accusée portent atteinte à l’honneur d’une personnalité publique et transcendent les limites de la liberté d’expression”, a-t-il argumenté, soulignant le rôle des réseaux sociaux dans l’amplification de tels discours.
De son côté, la défense, représentée par les avocats Me Oumar Youm et El Hadji Amadou Sall, a contesté vigoureusement la qualification d’offense. “Il s’agit d’une expression politique légitime dans un débat démocratique, non d’une injure gratuite”, ont-ils plaidé, demandant une relaxe pure et simple ou, à tout le moins, une peine avec sursis compte tenu des circonstances personnelles de leur cliente – une mère de famille et commerçante modeste. Les avocats ont également évoqué le contexte post-électoral au Sénégal, marqué par des divisions profondes, pour relativiser les propos incriminés.
L’accusée, pour sa part, a exprimé des regrets tout en maintenant que ses mots relevaient d’une “frustration personnelle” face à la figure de Sonko, sans intention malveillante. L’audience, qui a duré plusieurs heures, s’est déroulée sous haute tension, avec une salle comble où se côtoyaient sympathisants de l’APR et observateurs de l’opposition.
Le juge a finalement mis l’affaire en délibéré au vendredi 20 octobre, laissant planer le suspense sur le sort de Gaïndé Macky. Une condamnation ferme pourrait alourdir son dossier judiciaire et symboliser une ligne dure contre les dérapages en ligne. À l’inverse, un sursis ou une relaxe renforcerait les arguments de la défense sur la protection de la liberté d’expression.
En attendant le verdict, Daba Mbodji reste détenue. Son cas pourrait bien devenir un précédent dans la jurisprudence sénégalaise sur les infractions numériques.








































