Dans le paysage politique sénégalais, encore marqué par l’euphorie de la victoire de mars 2024, une fissure semble se dessiner au sommet de l’État. Le duo emblématique formé par Ousmane Sonko, Premier ministre et leader charismatique du PASTEF, et Bassirou Diomaye Faye, président de la République, est-il en train de vaciller ? Les récents événements, notamment les nominations au sein de la coalition “Diomaye Président” suite aux communiqués impliquant Aminata “Mimi” Touré et Aïda Mbodj, ainsi que le timing suspect juste après le grand meeting du 8 novembre 2025 au stade Téra, soulèvent des interrogations légitimes. Est-ce le signe d’une dualité entre les deux hommes, ou simplement des ajustements internes ? Plongeons dans les faits pour éclairer cette chronique.
Le Contexte : Un Duo Historique sous Pression
Rappelons d’abord l’essence de cette alliance. Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye incarnent le “projet” PASTEF, né des luttes contre le régime de Macky Sall. Sonko, souvent vu comme le mentor, a sacrifié sa candidature présidentielle pour propulser Faye à la magistrature suprême, un geste salué comme un acte de loyauté absolue. Pourtant, depuis l’investiture, des rumeurs de divergences persistent : silence prolongé de Faye sur certains dossiers sensibles, comme la réforme judiciaire ou les tensions avec l’opposition, contrastant avec les discours incendiaires de Sonko. Des analystes, comme le journaliste Moustapha Diop cité dans des débats en ligne, pointent un “silence inopportun” de Faye qui alimente les spéculations de division.
Le Téra Meeting du 8 Novembre : Le Déclencheur ?
Le meeting du 8 novembre 2025 au stade Téra, organisé par Sonko, était censé être un moment de mobilisation pour relancer le “projet” et contrer les critiques internes. Devant une foule en liesse, Sonko a réaffirmé son soutien indéfectible à Aïda Mbodj, la désignant explicitement comme coordonnatrice de la coalition “Diomaye Président”. “Aïda Mbodj, la coordonnatrice de Diomaye Président, est là”, a-t-il déclaré, rejetant toute idée de remplacement. Ce discours musclé visait aussi à taper du poing contre les “opportunistes” au sein de la coalition, comme Abdourahmane Diouf d’Awalé, accusés de semer la discorde.
Mais ce meeting, loin d’unir, a révélé des failles. Des observateurs notent que Sonko y a pris des positions unilatérales, sans consultation apparente avec Faye, forçant potentiellement la main du président sur des décisions clés. Faye, absent de l’événement, n’a pas réagi publiquement, alimentant les théories d’un malaise. Des voix patriotiques, comme celle de Djiby Guèye, défendent toutefois l’unité du duo, insistant sur une “cohésion totale” forgée avant le pouvoir.
Les Nominations Explosives : Mimi Touré Remplace Aïda Mbodj
Moins de 72 heures après le meeting, un communiqué officiel daté du 10 septembre 2025 mais révélé publiquement autour du 11 novembre annonce un chamboulement : Bassirou Diomaye Faye limoge Aïda Mbodj de la coordination de la coalition et nomme Aminata “Mimi” Touré à sa place. Ce document, confirmé par des proches de Mimi Touré, place Sonko dans une position délicate : il avait publiquement soutenu Mbodj sans savoir qu’elle avait été démise deux mois plus tôt. Réactions immédiates : “Diomaye défie Sonko”, titrent les médias, avec des analyses comme celle d’Abdoulaye Mbow soulignant une possible remise en question de l’autorité de Sonko au sein de la coalition.
Aïda Mbodj, figure historique de l’opposition, n’a pas réagi publiquement de manière virulente, mais des sources évoquent une “surprise” au sein du PASTEF. Mimi Touré, ancienne Première ministre sous Macky Sall et ralliée tardivement à Faye, est vue par certains comme un choix stratégique pour élargir la base, mais par d’autres comme une provocation envers Sonko, qui l’avait critiquée par le passé.
Y a-t-il une Dualité entre les Deux Hommes ?
Oui, les signes d’une dualité émergente sont palpables, bien que non officialisés. D’un côté, des partisans de Sonko, comme l’honorable Bacary Diedhiou, dénoncent une “maison PASTEF souillée” par des opportunistes et des trahisons, impliquant implicitement Faye dans un silence complice. Des théories circulent : Sonko aurait cédé trop de pouvoirs (parti, Assemblée, ministères clés) à Faye, qui refuse désormais de se laisser “dicter” sa conduite. De l’autre, des voix modérées, comme Congaanel, voient dans ces nominations une manoeuvre pour isoler Sonko ou forcer Faye à s’affirmer, sans nécessairement une rupture totale.
Pourquoi après le Téra meeting ? Le timing n’est pas anodin. Le discours de Sonko, perçu comme un ultimatum contre les “remplacements” et les divisions, a pu être interprété comme une pression sur Faye. En réponse, la révélation du communiqué (daté de septembre mais publié post-meeting) semble être un acte d’autorité : Faye affirme son indépendance, rappelant que la coalition porte son nom et qu’il en détient les rênes. Certains y voient une riposte à des “décisions unilatérales” de Sonko, comme l’évoque un analyste anonyme. D’autres, plus cyniques, parlent d’une stratégie pour “semer la zizanie” et tester la loyauté des bases.
Perspectives : Vers une Rupture ou une Réconciliation ?
Cette affaire met en lumière les défis d’un pouvoir partagé : ambitions personnelles, pressions des alliés (comme Awalé) et enjeux électoraux à venir. Si la dualité s’approfondit, elle pourrait fracturer le PASTEF, avec Sonko comme figure populaire mais Faye comme détenteur institutionnel du pouvoir. Pourtant, des appels à l’unité persistent, rappelant les sacrifices communs.
Ramatoulaye Sow






































