Entretien exclusif avec Ibrahima Diaw : L’exploitation du zircon en Casamance sous l’angle technique et environnemental

Dans un contexte où l’exploitation minière au Sénégal suscite souvent des débats passionnés, Ibrahima Diaw, ingénieur géologue et directeur général du cabinet Harmony Group, représentant local de la compagnie australienne Astron, a récemment accordé un entretien pour clarifier les enjeux du projet d’exploitation du zircon à Niafrang (ou Niafalang), dans le département de Bignona en Casamance. Cet atelier d’information, organisé à Ziguinchor à l’attention de la presse régionale, vise à déconstruire les idées reçues et à mettre en lumière les mesures environnementales adoptées. Voici un compte-rendu détaillé de cet échange, qui met l’accent sur les évaluations environnementales, la protection de la dune, des mangroves d’Abéné et des écosystèmes locaux.

Contexte du projet : Un gisement prometteur mais controversé

Le gisement de zircon de Niafrang, découvert il y a plusieurs années, s’étend sur une dune côtière de 6 kilomètres de long. Ce minerai, utilisé dans l’industrie céramique et nucléaire pour sa résistance à la chaleur, représente une opportunité économique pour la région. Cependant, depuis 2010, le projet fait l’objet de polémiques, avec des craintes d’un désastre écologique. Ibrahima Diaw insiste sur le sérieux de la procédure : “Le Sénégal a une administration environnementale responsable. Ce n’est pas pour rien qu’une procédure qui a commencé depuis 2010 traîne jusqu’à présent. On ne peut pas imaginer qu’un projet puisse détruire l’environnement et créer un désastre écologique.”

Harmony Group, en tant que cabinet chargé de l’évaluation environnementale et sociale, a accompagné la compagnie australienne Astron dans l’élaboration du plan d’exploitation. Selon Diaw, le projet est limité à la dune elle-même, sans empiétement sur les villages environnants. Seule une famille résidant sur site, celle de Sidy Sow, sera relogée et indemnisée.

Les impacts environnementaux identifiés et les mesures de mitigation

Au cœur de l’entretien, Ibrahima Diaw détaille les impacts potentiels identifiés lors de l’étude d’impact environnemental (EIE), réalisée en conformité avec les normes sénégalaises et internationales. Les principaux domaines concernés sont le sol, l’eau, la faune et la flore. “Nous avons identifié les impacts potentiels liés au sol, à l’eau, à la faune et à la flore. Pour chacun de ces impacts, les mesures idoines ont été préconisées”, explique-t-il.

Trois zones sensibles ont été particulièrement scrutées :

  • L’aire marine protégée d’Abéné : Située à proximité de la dune mais en dehors de la zone d’exploitation, cette aire classée bénéficie d’une dynamique organisationnelle existante. Diaw recommande un accompagnement par Astron via des moyens techniques et financiers, sans intervention directe sur le site.
  • La mangrove : Écosystème fragile et essentiel pour la biodiversité côtière, la mangrove est protégée par une décision clé : “La moitié occidentale de la dune ne sera pas exploitée afin de constituer une zone tampon ; donc, une zone de protection.” Cela vise à prévenir toute fragilisation due à l’extraction.
  • Les rizières locales : Exploitées principalement par les femmes de la zone, ces terres agricoles sont considérées comme prioritaires. “Nous avons recommandé un cordon de protection entre la dune et les rizières pour protéger ces terres de riziculture. Celles-ci vont continuer à être cultivées pendant la phase d’exploitation sans aucune atteinte.”

Concernant la ressource en eau, une polémique récurrente, Diaw rassure : “Nous avons orienté l’exploitation vers la nappe profonde qui se trouve à 148 mètres de profondeur. Et cette nappe n’a rien à avoir avec la nappe superficielle, elle n’est pas en interaction ni avec les rizières ni avec la mangrove.” Il balaie ainsi les rumeurs d’envahissement par la mer ou de salinisation des sols.

Les idées reçues et la désinformation : Un plaidoyer pour l’inclusion

Ibrahima Diaw n’hésite pas à pointer du doigt la désinformation comme source principale des réticences locales. “Les populations ont été mal informées et même intoxiquées. On a fait croire à ces dernières que l’exploitation du zircon de Niafrang va favoriser le développement de certaines maladies comme le cancer, et l’envahissement des villages par la mer. Alors que cela n’est pas exact.” Il souligne que la dune ne disparaîtra pas entièrement – sa hauteur sera réduite de seulement 12 % – et que l’exploitation n’affectera pas les habitations.

Pour une approche inclusive, Harmony Group plaide pour une concertation accrue avec les communautés. Des mémorandums d’entente ont déjà été signés avec des villages comme Kabadio, et des fonds sociaux annuels (environ 240 000 dollars) sont prévus pour des infrastructures socio-économiques. Diaw appelle à “dépassionner le débat” et à privilégier l’intérêt collectif, en rappelant les emplois potentiels (directs et indirects) et les bénéfices pour la Casamance.

Perspectives et recommandations

Cet entretien met en évidence un équilibre fragile entre développement économique et préservation environnementale. Ibrahima Diaw, fort de son expérience (auteur de plus de 50 études d’impact et président de l’Association des Ingénieurs Géologues de l’Institut des Sciences de la Terre), insiste sur une exploitation “maîtrisée et inclusive”. Il recommande une surveillance continue post-exploitation, avec des audits réguliers pour s’assurer du respect des mesures.

Alors que le projet attend toujours le feu vert définitif, cet éclairage technique pourrait apaiser les tensions. Reste à savoir si les populations locales, soutenues par des associations et le MFDC, adhéreront à cette vision. Une chose est sûre : l’exploitation minière en Casamance doit s’inscrire dans une démarche durable pour éviter de raviver les conflits passés.

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