Le guide des « Thiantacônes », Cheikh Béthio Thioune, a été rappelé à Dieu hier mardi, à l’âge de 81 ans, à Bordeaux, en France, où il s’était rendu depuis plusieurs semaines se soigner. Une mort qui intervient dès le lendemain de sa condamnation à 10 ans de travaux forcés par la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Mbour dans l’affaire dite du double meurtre de Médinatoul Salam. Portrait de ce fervent disciple de Serigne Salihou Mbacké Khadim Rassoul, 5ème Khalife général des Mourides…
Le guide des « Thiantacônes », Cheikh Béthio Thioune, a été rappelé à Dieu hier mardi, à l’âge de 81 ans, à Bordeaux, en France, où il s’était rendu depuis plusieurs semaines se soigner. Une mort qui intervient dès le lendemain de sa condamnation à 10 ans de travaux forcés par la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Mbour dans l’affaire dite du double meurtre de Médinatoul Salam. Portrait de ce fervent disciple de Sérigne Salihou Mbacké Khadim Rassoul, 5ème Khalife général des Mourides… Né vers 1938 à Madinatoul Salam, près de Mbour, Cheikh Béthio Thioune a reçu une solide formation.
Entré le 3 novembre 1947 à l’école française régionale de Mbour jusqu’au Ce2 en 1952, il a obtenu à Thiès son certificat d’études primaires élémentaires (Cepe) avant d’entrer au Lycée moderne de Thiès, devenu Malick Sy, en 1955. Son Bepc (actuel Bfem) en poche en 1959, il entre au lycée Faidherbe de Saint-Louis où il effectue sa classe de seconde. L’année suivante, il est transféré au lycée Van Vollenhoven (devenu lycée Lamine Guèye). Plus tard, il débute une carrière d’instituteur. Il est alors affecté à Agnack, à quelques kilomètres de Ziguinchor, où il devient chargé d’école pendant deux ans. Il est ensuite affecté à Thiès, à l’école des champs de courses. C’est de là qu’il ne quitte l’enseignement. Pour subvenir à ses besoins, Cheikh Béthio Thioune devient délégué médical, avant d’embrasser le métier d’inspecteur de l’expansion rurale dans le Sine-Saloum durant cinq ans.
en 1946, il rencontre Serigne Saliou Mbacké… Le 17 avril 1946, Cheikh Béthio Thioune avait à peine huit ans lorsque, accompagné de son frère, Guillé Thioune, il rencontre Serigne Saliou Mbacké. C’était à Tassette, village situé dans le département de Mbour. L’enfant est immédiatement subjugué par l’aura de celui qui deviendra plus tard le 5e Khalife général des mourides. Leur compagnonnage est connu de tous. Disciple fidèle de Saliou Mbacké, il organise depuis des décennies, à son domicile de Guédiawaye d’abord, puis de Mermoz (Dakar) et à Touba des «Thiant» (chants religieux et de réjouissances) durant lesquels des centaines de moutons, de chèvres, de bœufs, de chameaux et de poulets… sont immolés pour la restauration des invités. Le 11 janvier 1983, Cheikh Béthio Thioune est consacré «Serigne» par Serigne Saliou qui l’élève ensuite au rang de «Cheikh» en 1987.
En 1966, Cheikh Béthio est condamné à 6 mois ferme
Alors qu’il était enseignant, il a intégré le Parti africain de l’indépendance (Pai). En 1966, après avoir placardé le long des murs de la capitale du rail des affiches communistes, il a été arrêté avec d’autres militants du PAI. Jugé, il a été condamné à 6 mois ferme. Une peine qu’il ne purgera pas puisque le Président Léopold Sédar Senghor a sorti un décret pour amnistier Béthio Thioune et ses co-inculpés, avant d’ordonner leur réintégration dans la fonction publique. Mais Béthio avait déjà décidé de mettre une croix sur l’enseignement.
Sortant de l’enam
Après une carrière d’instituteur et voulant réintégrer la fonction publique, Cheikh Béthio Thioune passe le concours de l’école nationale d’économie appliquée (Enea) et le réussit. Sa formation professionnelle terminée, il devient inspecteur d’animation à Méwane, dans le département de Tivaouane. Il sera ensuite nommé inspecteur régional du ministère de la Jeunesse et des Sports à Dakar. Plus tard, il fait le concours d’entrée de l’Ecole nationale d’administration et de la magistrature (Enam) et est déclaré admis. Il fait partie de la promotion Gabriel D’Arboussier de 1976 avec Ousmane Tanor Dieng, le secrétaire général du Parti socialiste (Ps). A sa sortie, il est affecté au ministère de l’Intérieur comme administrateur civil. Détaché à Diourbel comme administrateur municipal, il organise en 1977 la première fête de l’indépendance hors de Dakar, présidée par le président Senghor.
Il sera ensuite affecté successivement comme administrateur à Kaolack, à Pikine, comme secrétaire général de la commune de Pikine puis comme secrétaire général de la communauté urbaine de Dakar. En janvier 1996, après 38 ans de carrière administrative, il est admis à faire valoir ses droits à la retraite. Il était alors administrateur civil principal de classe exceptionnelle. Il s’installe alors à Touba dans le village de Dianatoul Mahwa, devenu son fief. En 1996, il devient président de la Communauté rurale de Touba.
Très proche de Sérigne Saliou, il est placé en 3e position sur la liste mise en place par le Khalife général, Sérigne Saliou Mbacké, pour les élections municipales et rurales de novembre 1996. Ainsi, il devient le président de la communauté rurale de la ville de Touba. Le choix porté sur lui est contesté par les petits-fils de Cheikh Ahmadou Bamba. Mais Cheikh Béthio, qui avait le soutien de Sérigne Saliou Mbacké, décide de quadrupler le budget de la communauté rurale qui était de 208,5 millions de Francs CFA, pour le porter à 810,43 millions, en instituant de nouvelles taxes sur les commerces.
6 mai 2019, Cheikh Béthio est condamné à 10 ans de travaux forcés
Le 23 avril dernier, Cheikh Béthio Thioune est jugé (par contumace en ce qui le concerne) avec dix-neuf de ses disciples par la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Mbour. Ils étaient poursuivis entre autres pour association de malfaiteurs, recel de cadavre, complicité de meurtre, non dénonciation de crime, et détention d’arme sans autorisation et inhumation sans autorisation administrative. Ils comparaissaient notamment pour le meurtre en 2012 de deux de leurs condisciples, Bara Sow et Ababacar Diagne, tués et enterrés vivants, à Médinatoul Salam, une localité de la commune de Mbour où le Cheikh Béthio Thioune avait justement vu le jour. Un procès qui a débouché sur sa condamnation à 10 ans de travaux forcés par la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Mbour lundi 6 dernier accompagnée d’une amende de 200 millions de francs CFA et d’une saisie de ses biens… Dès le lendemain de cette condamnation, le Guide des « Thantâcones » a été rappelé à Dieu…
Bassirou DIENG
Le Témoin
