Depuis quelques jours, des vidéos circulent en ligne où on aperçoit des policiers qui sympathisent avec les membres du mouvement du «Convoi de la liberté».
Dans l’une d’entre elles, on voit un policier qui avertit un chauffeur de ne plus le frapper avec son véhicule avant de le laisser repartir sur son chemin. Dans une autre, on entend un agent de la PPO offrir son appui «à 100%» à la cause d’un manifestant, lui disant que s’il n’avait pas à travailler, il serait à ses côtés.
À Coutts en Alberta, le départ des camionneurs, qui ont bloqué l’accès à la frontière américaine pendant 18 jours, a été marqué par les images des policiers qui leur serrent la main et qui les serrent dans leurs bras.
Double standard
«J’ai reçu six points de suture au sourcil après avoir été frappé au bâton par un policier, l’été dernier, à Toronto», se souvient Skyler Williams.
Porte-parole bien connu du groupe d’activistes Land Back Lane, Skyler Williams a pris part à de nombreux mouvements visant à bloquer les projets de développement prévus sur les terres autochtones et a eu affaire aux forces de l’ordre à de nombreuses reprises.
Plus récemment, à l’été 2021, il était à Toronto pour participer aux manifestations visant à s’opposer au démantèlement des campements de sans-abri, où il affirme avoir été agressé et aspergé de gaz poivré par la police.
Il déplore ce qu’il considère être une attitude «deux poids deux mesures» et dénonce les différences marquées entre le traitement de la police à l’endroit des minorités visibles et celui réservé aux individus qui manifestent depuis plusieurs semaines contre les mesures sanitaires.
«Des policiers m’ont déjà brisé les côtes, et c’est ce à quoi on s’attend, nous, lorsque l’on prend part à des manifestations», soutient Skyler Williams.
«Ces contribuables blancs, eux, veulent bloquer des infrastructures et ils sont accueillis par des poignées de main et des câlins», compare-t-il.
Peter Sloly, qui a démissionné de son poste de chef de police d’Ottawa mardi, avait indiqué que l’amabilité à l’endroit des camionneurs faisait partie d’une approche stratégique visant à éviter l’escalade des tensions.
Cette approche stratégique, Skyler Williams ne l’a pas encore vécue.
Ces gens qui occupent le centre-ville d’Ottawa depuis maintenant 20 jours consécutifs n’ont pas à expliquer à leurs enfants que leur décision d’aller manifester pourrait signifier qu’ils ne reverront plus leur papa, relate le militant autochtone.
Une question de race
La vice-présidente de la Coalition de la diaspora noire d’Ottawa, Vanessa Dorimain, est convaincue que la principale raison pour laquelle la police n’a pas procédé aux arrestations musclées que l’on peut observer lors des manifestations autochtones ou de Black Lives Matter, c’est parce que les participants, cette fois-ci, sont blancs.
Elle rappelle la mort d’Abdirahman Abdi, un Ottavien d’origine somalienne, aux mains d’un policier d’Ottawa, en juillet 2016.
«Il a été accueilli par la force brutale du policier Daniel Montsion, qui n’a fait face à aucune condamnation. (…) Nous vivons du harcèlement simplement en raison de notre existence, alors lorsqu’on voit ces gens créer des ravages dans notre ville et que rien ne leur arrive, c’est extrêmement traumatisant parce que cela ne fait que perpétuer le fait que nos vies n’ont pas d’importance.»
Ni Skyler Williams, ni Vanessa Dorimain ne se dit surpris de l’indulgence des policiers envers les participants à l’occupation du centre-ville d’Ottawa.
À leurs dires, le racisme systémique est à la base de l’institution de la police.
«On a des Autochtones et des Noirs qui se battent pour nos vies, et les défenseurs autochtones qui ne font que revendiquer les droits sur leur propre terre. Eux sont automatiquement confrontés à la force brutale et à la résistance, et c’est parce que la police en tant qu’institution ne sert pas à nous protéger», conclut Vanessa Dorimain.
Le Soleil
