Le Sénégal, comme bien d’autres nations, n’échappe pas à l’influence tentaculaire de la mondialisation et à la montée du consumérisme ostentatoire. Dans ce contexte, les symboles de réussite sociale deviennent des marqueurs de statut, particulièrement au sein des élites. Ce phénomène, souvent critiqué pour son impact sur les valeurs sociales et éthiques, met en lumière une société où l’apparence prime sur l’intégrité, et où la quête effrénée de richesses transcende parfois les principes de justice et d’équité. Comme l’a souligné Mimi Touré, ces « signes extérieurs de richesse » sont omniprésents et trouvent leur apothéose dans une idolâtrie sociale déconcertante.
Les élites religieuses, politiques, intellectuelles et économiques du Sénégal arborent ces symboles de réussite avec fierté, illustrant ce qu’elles considèrent comme l’accomplissement ultime de leur ascension sociale. Les marabouts vêtus de Bazin riche, entourés de disciples qui les vénèrent, sont des figures emblématiques de cette dynamique. Ils incarnent un modèle où la foi se mêle à la fascination pour la richesse matérielle. Sur le plan politique, la situation n’est guère différente. Les leaders politiques, debout sur des 4×4 luxueux ou des Hummers bunkerisés, attirent des militants fascinés par leur train de vie, plus que par leur programme ou leur probité. Cette adoration aveugle du « peuple d’en bas » pour ceux « d’en haut » perpétue un cycle où l’ascension sociale devient plus importante que la légitimité, la transparence ou l’éthique. Dans ce paysage, la politique s’impose comme le chemin le plus rapide pour accéder aux richesses, aux privilèges et aux faveurs qu’offre le pouvoir. Contrairement à d’autres pays où le travail acharné et l’innovation sont les piliers de la réussite économique, au Sénégal, il suffit souvent de gravir les échelons politiques pour s’enrichir. Les privilèges liés au pouvoir – contrats publics, postes stratégiques, avantages fiscaux – transforment la politique en une voie royale vers la fortune personnelle. Cette situation soulève une question cruciale : à quel prix cette dynamique se maintient-elle ? En glorifiant l’apparence et en négligeant les valeurs fondamentales telles que la probité, l’éthique et la responsabilité, le pays s’expose à des risques de dérive sociale et morale. Il devient urgent de repenser nos modèles de réussite, d’encourager des parcours basés sur le mérite et le travail acharné, et de déconstruire cette fascination pour l’ostentation matérielle.
Le Sénégal se trouve à un carrefour décisif. Entre le maintien d’un système basé sur le consumérisme ostentatoire et l’émergence d’une société fondée sur des valeurs de travail, de légitimité et d’équité, le choix sera déterminant pour l’avenir. Mais pour amorcer ce changement, il faudra d’abord déconstruire cette idéalisation des signes extérieurs de richesse et promouvoir une réussite basée sur des valeurs solides et durables.
M.Magued Wade