Le Sénégal se prépare à traverser une période critique en matière de collecte de sang, coïncidant avec le Ramadan et le Carême prévus en mars prochain. Ces deux périodes de jeûne, qui débuteront presque simultanément cette année, risquent d’entraîner une baisse significative des dons de sang, aggravant une situation déjà préoccupante. En effet, le pays fait face à un déficit chronique de 60 000 poches de sang chaque année, un manque qui pourrait s’accentuer durant ces événements religieux.
Selon le professeur Saliou Diop, directeur du Centre national de transfusion sanguine (CNTS), le Sénégal a besoin annuellement de 170 000 poches de sang pour couvrir les besoins nationaux. Cependant, en 2021, seules 110 000 poches ont pu être collectées. Ce déficit persistant met en péril la prise en charge des patients nécessitant des transfusions, notamment les femmes souffrant d’hémorragies post-partum, les enfants anémiques et les personnes victimes d’accidents ou de maladies chroniques. Le CNTS, chargé de la collecte, du traitement et de la distribution des produits sanguins, doit régulièrement lancer des appels aux dons pour combler ces lacunes. Or, cette année, le chevauchement des périodes de jeûne musulman et chrétien complique davantage la situation. Traditionnellement, pendant le Ramadan, les catholiques prenaient le relais pour organiser des collectes de sang. Cependant, cette solidarité interconfessionnelle pourrait être compromise cette année, en raison du jeûne observé simultanément par les deux communautés. La situation met en lumière des lacunes structurelles dans le système national de transfusion sanguine. Bien que le Sénégal ait adopté en 2020 une loi encadrant les activités de transfusion sanguine, le pays peine à mettre en œuvre une véritable politique nationale formalisée. Selon une étude menée par l’Université Cheikh Anta Diop, la structuration et la modernisation du système sont essentielles pour garantir la disponibilité et la sécurité des produits sanguins. Certaines régions restent sous-équipées et dépendent de dons sporadiques, ce qui complique l’accès équitable aux soins. Le Service de santé des Armées joue un rôle de soutien en intervenant dans certaines zones, mais ses capacités restent limitées face à l’ampleur des besoins. Par ailleurs, les centres de transfusion décentralisés manquent de ressources humaines et matérielles adéquates pour répondre efficacement aux demandes croissantes.
Selon Mohamed Cissé, membre actif de l’Association des donneurs de sang, appelle à des mesures immédiates pour éviter une crise majeure. Il propose l’intensification des campagnes de sensibilisation et la mise en place de collectes de sang mobiles adaptées aux périodes de jeûne. Ces initiatives pourraient inclure des plages horaires spéciales, notamment avant le début du jeûne ou après la rupture, afin de maximiser la participation des donneurs. L’implication des autorités locales, des leaders religieux et des organisations communautaires est également cruciale. Des partenariats avec des entreprises, des écoles et des universités pourraient contribuer à diversifier les sources de dons et à sensibiliser davantage la population. De plus, des incitations symboliques ou des avantages, tels que des bilans de santé gratuits pour les donneurs réguliers, pourraient encourager une participation continue. Le besoin en produits sanguins est particulièrement crucial pour lutter contre les anémies sévères et les hémorragies, qui figurent parmi les principales causes de mortalité maternelle et infantile au Sénégal. Chaque poche de sang peut sauver plusieurs vies, d’où l’urgence de mobiliser la population autour de cet acte de solidarité nationale. Face à cette situation, le Sénégal est à un tournant. La résolution de cette problématique nécessite une vision à long terme, incluant des investissements dans les infrastructures, la formation des personnels et l’éducation des populations sur l’importance du don de sang. Comme le souligne Denise Zarour Medang dans un article publié par Sud Quotidien, il est impératif de revoir la stratégie nationale pour prévenir une crise sanitaire liée à la pénurie de sang.