Thierno Bocoum a récemment publié un texte très critique à l’égard du Premier ministre
Ousmane Sonko, à la suite de son passage sur la télévision publique burkinabè, lors de sa
visite à Ouagadougou. Un texte long, construit, parfois élégant dans la forme, mais qui
repose sur une lecture volontairement tordue du fond.
Il lui reproche d’avoir brouillé la frontière entre démocratie et prise de pouvoir par les armes. En réalité, Ousmane Sonko n’a ni justifié, ni célébré les coups d’État. Il a simplement
rappelé un fait politique que tout observateur honnête peut admettre : certains régimes élus trahissent les peuples qu’ils prétendent représenter, pendant que d’autres, venus par des voies non conventionnelles, parviennent parfois à répondre aux attentes populaires.
Cela ne signifie pas qu’il faille applaudir les ruptures militaires. Cela signifie qu’il faut arrêter d’idéaliser la démocratie procédurale comme une fin en soi, surtout quand elle est réduite à des élections sans souveraineté, à des parlements sans pouvoir et à des présidents alignés sur des agendas extérieurs
Ce que Thierno Bocoum feint de ne pas comprendre, c’est que la démocratie ne se résume
pas à un bulletin de vote. Elle vaut par sa capacité à garantir la justice, la sécurité, la dignité et la parole du peuple. Sans cela, elle n’est qu’une façade
et la parole du peuple. Sans cela, elle n’est qu’une façade.
Et c’est là que se situe le vrai propos d’Ousmane Sonko. Il ne parle pas du Burkina Faso
pour excuser qui que ce soit. Il parle aux peuples africains, dans leur pluralité, leur
complexité, leurs contradictions. Il reconnaît la colère des populations, leur fatigue face à
des institutions qui les trahissent, et leur désir légitime de souveraineté.
Il sait, aussi, qu’il a désormais un rôle continental. Ce qu’il dit à Ouagadougou, il le pense
pour tout le Sahel. Parce que l’histoire est en train de s’accélérer, et que l’Afrique n’a plus le
luxe de s’offrir des divisions idéologiques internes pendant que les puissances extérieures
avancent en rangs serrés pour maintenir leur mainmise sur nos ressources.
Oui, l’Afrique est à un tournant. Elle peut choisir de se disperser dans des débats piégés, ou
de se rassembler autour d’un projet clair : redevenir maîtresse de ses choix, de ses terres,
de ses priorités. Et pour cela, il faut regarder la réalité en face, même quand elle dérange.
Même quand elle ne rentre pas dans les cadres diplomatiques bien pensants.
Thierno Bocoum évoque les libertés suspendues, les partis dissous, les médias censurés
dans les pays sahéliens. Ce sont des réalités, et elles ne doivent pas être niées. Mais faut-il
pour autant fermer les yeux sur les violences sociales, économiques et politiques que les
régimes dits “démocratiques” ont infligées à leurs peuples, avec le silence complice de ceux
qui aujourd’hui prétendent en défendre l’esprit ? La souffrance d’un peuple ne se mesure
pas uniquement au nombre de communiqués officiels ou de journaux autorisés à paraître.
La démocratie a un sens, oui. Mais elle ne peut être défendue à géométrie variable, ni
utilisée comme bâton contre ceux qui osent poser les questions qui fâchent.
Ousmane Sonko ne confond pas tout. Il refuse justement la confusion. Il refuse qu’on
oppose démocratie et souveraineté, qu’on nous impose des modèles qui ne servent qu’à
nous maintenir dans la dépendance, qu’on nous demande de choisir entre notre liberté et
notre survie.
Il n’a ni peur de dire les choses telles qu’elles sont, ni besoin de les enrober. Il sait ce qu’il
représente pour une génération d’Africains debout, fatigués des double discours, prêts à
construire un avenir fondé sur la dignité.
Oui, il faut le suivre. Pas parce qu’il faut l’adorer. Mais parce que ce qu’il dit dérange ceux
qui veulent nous garder à genoux. Et rien que pour cela, il faut être vigilant. Et lucide.
Tidiane Sarr.
Responsable politique, Pastef Neuchâtel
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