Selon la note explicative du projet de loi portant modification de la Constitution, « pour répondre à la nécessité de simplifier le calendrier électoral et de mieux harmoniser les relations entre pouvoir exécutif et le législatif, le délai au cours duquel l’Assemblée nationale ne peut être dissoute est supprimé. »
Pour concrétiser ce souci, le projet de réforme visait à amender l’article 87 de la Constitution en supprimant le paragraphe qui le stipule «Cependant, la dissolution n’a pas lieu au cours des deux premières années du Parlement»
Ainsi libellé, l’article 87 de la constitution permet au président de la République de dissoudre l’assemblée nationale dès qu’il le souhaite. La dissolution était déjà autorisée par décret après avoir recueilli l’avis du Premier Ministre et celui du Président de l’Assemblée nationale mais on ajoute la possibilité de le faire à tout moment sans tenir compte d’une échéance stricte.
Il s’agit d’une affectation dangereuse d’une prérogative élastique et excessive qui peut conduire à des abus de pouvoir inacceptables par le Président de la République.
Il ne serait donc pas nécessaire que la législation de la réforme s’écarte de l’objectif recherché en ouvrant des brèches dans le profil d’un superprésidentialisme.Toutefois, les préoccupations soulevées par la réforme proposée sont importantes et devraient être prises en compte par nos députés.L’objectif est de parer au risque de crise institutionnelle résultant de l’inadéquation entre le mandat du Président de la République et celui des députés.
Il doit s’agir de faire en sorte que la dissolution de l’Assemblée nationale évite une crise institutionnelle lorsqu’elle implique dans sa configuration une majorité opposée, pendant longtemps, aux promesses de changement du nouveau Président de la République. Il s’avère qu’en 2024, le nouveau Président de la République sera contraint de « gérer » une Assemblée nationale pour six longs mois sans pouvoir la dissoudre. Par conséquent, il peut être très difficile pour le gouvernement d’adopter ses premières mesures lorsqu’il n’est pas majoritaire conciliante et se heurte à la volonté de députés qui décident de prolonger l’adversité politique au sein de l’hémicycle.
En outre, si le candidat retenu n’a aucun représentant dans la configuration actuelle de l’Assemblée nationale (ce qui est tout à fait possible), il sera confronté à une puissance législative qui ne montrera aucune trace de cette nouvelle légitimité et sera responsable d’une légitimité qui a été attribuée comme faisant partie d’un jeu de puissance qui a évolué.
Le nouveau Président de la République est susceptible d’être pris en otage par une majorité solidaire qui déciderait de se lancer dans un bras de fer contre son gouvernement au moyen de nouvelles motions de censure ou de rejeter systématiquement les projets de loi qui seront soumis à son examen.
Même s’il a la possibilité d’utiliser des pouvoirs exceptionnels en cas d’obstruction, ces pouvoirs ne peuvent en aucune façon lui permettre de procéder à des révisions constitutionnelles (Article 52 de la Constitution)
Il est également à noter que dans certaines circonstances l’écart entre le mandat du Président de la République et celui des députés peut aller jusqu’à près de deux ans.Cela peut être le cas lorsque la présidence est vacante, par démission, incapacité permanente ou décès (article 31 de la Constitution)
Ces affaires raccourcissent de facto le mandat présidentiel, à l’improviste sans tenir compte du début du mandat il est procédé à un vote dans un délai d’au moins soixante jours et d’au plus quatre-vingt-dix jours, lorsque le Conseil constitutionnel a fixé le siège vacant.
Ainsi, lors d’une élection présidentielle tenue après les élections parlementaires à la suite de la vacance du pouvoir, le président nouvellement élu ne peut dissoudre l’Assemblée nationale pendant les deux premières années du pouvoir législatif et il faudra nécessairement «gérer» un risque de crise institutionnelle pendant cette période.
Aussi devons-nous trouver une solution à ce dilemme. Cette solution, comme mentionné ci-dessus, Cependant, ne devrait en aucune façon renforcer les pouvoirs déjà exorbitants du Président de la République en lui permettant de dissoudre l’Assemblée nationale chaque fois que nécessaire.
La solution que nous recommandons consiste à prévoir, à l’article 87, une exception aux deux premières années du Parlement par le libellé suivant:
Le Président de la République peut, après avis du Premier ministre et du Président de l’Assemblée nationale, prononcer, par arrêté, la dissolution de l’Assemblée nationale. Cependant, la dissolution ne peut survenir pendant les deux premières années du Parlement sauf lorsqu’un nouveau Président de la République exprime son souhait dans les deux (…) »
* Ancien parlementaire
Président AGI
