Evidemment ce «pays ne va pas bien» comme dirait le chanteur. La violence, la désobéissance civile et la méfiance envers les institutions se transforment ainsi en puissants leviers de fascination qui interpellent la jeunesse. Et il n’y a rien de nouveau.
Récemment, après l’emprisonnement d’Ousmane Sonko et la dissolution de son parti, Pastef-Les patriotes, des manifestations sporadiques ont secoué la ville de Dakar. Mardi dernier, près de Yarakh, un bus Tata destiné aux transports publics, a été arrêté par des personnes cagoulées qui y ont lancé des cocktails Molotov. Deux personnes ont péri brûlées. Le bus a consommé. Un peu. blessés graves.
Ces hommes, ces femmes et ces enfants qui étaient tranquillement installés dans leurs autobus de transit avaient quitté leur famille pendant la journée, sans savoir pour quelques-uns qu’ils ne les verront plus. Et maintenant on entend une polémique sur le déroulement des faits. Certains ont mis en doute le point de vue du chauffeur de bus brûlé, affirmant qu’il n’y aurait pas sept personnes mais deux. Il s’agit d’une conspiration. Triste mode. Controverse absolument inopportune et dérisoire en dehors des besoins une enquête qui sera chargée de tout contrôler à fond afin d’identifier les responsables et de les mettre entre les mains de la justice.
Mis à part tout cela, la seule information confirmée est qu’un autobus a été brûlé avec des cocktails Molotov, qu’il y a deux morts et blessés. Que toutes ces personnes avaient tranquillement quitté leur foyer et étaient victimes d’une action qui ne les touchait pas. Ni suivis, ni traqués, ils n’étaient pas des cibles. Ils sont victimes d’un aveuglement basé sur sa stratégie de tuer, semer le désordre et le chaos. Ça s’appelle du terrorisme.
C’est la traduction tragique de la violence aveugle qui se déroule actuellement au Sénégal, qui bouleverse toujours davantage la culture de protestation des années précédentes,
fondée fondamentalement sur le débat d’idées et la participation politique.
Nous en sommes arrivés à une situation où nous avons l’impression de voir des gens drogués par Dieu sait quoi, Êtes-vous en colère contre l’Etat, au point de laisser entendre parfois que ce dernier rempart a été pétrifié par l’audace du camp d’en face, ne pas savoir quoi faire, peur au ventre. Evidemment ce «pays ne va pas bien» comme dirait le chanteur.
Aux feux rouges, les deux roues vont par le nez et la barbe des policiers; ils s’insultent, ils s’investissent, ils sont adeptes de la vendetta. La violence, désobéissance civile, la méfiance envers les institutions se transforme ainsi en puissants leviers de fascination qui magnétisent une partie importante de la jeunesse. Et il n’y a rien de nouveau.
Qui ne se souvient pas d’Alassane Sy, alias « Alex » et Abatalib Samb, alias « Ino » (abrégé « Innocent »)? Spécialistes des vols de stations-service, vols de voitures, « Alex » et « Ino » étaient les « vedettes » du grand banditisme de la fin des années 1990. Pas même les Robins des bois, comme Yaadikone, qui avait le béguin pour les petits, tous contre leurs brigandages, ils étaient cependant adorés, «héroïsés» et tenaient en haleine l’opinion qui ne cachait pas la sympathie qu’elle nourrissait à leur égard. Fascinés par leur rhétorique, leur désobéissance à l’ordre et surtout leur insolence déstabilisante, Plusieurs jeunes s’identifient à ce duo infernal qui semble prendre plaisir à défier l’État et à en faire une frénésie. Grâce à «Ino» surtout qui, même menotté et surveillé par les gendarmes, après une arrestation, fait un «V» de victoire éclairé par un sourire narquois. Plus proche de nous «Boy Djine» qui était devenu une star par ses vols et ses multiples évasions carcérales. Ce qui est arrivé mardi, avec ces cocktails Molotov jetés dans un bus de transport en commun, est la preuve de l’approfondissement du processus d’asservissement de la société sénégalaise. Il nous dit que la situation est grave et il nous exhorte à prendre des mesures audacieuses pour faire en sorte que nous vivions ensemble. Surtout que le jeune malaise est là pressant et continue à s’exprimer à nouveau à travers ces évasions à haut risque par pirogue, dans la recherche de l’eldorado. Peu importe les bateaux qui tombent en panne, les gens qui meurent en mer ou se coincer dans le sable brûlant du désert, Parce que ça revient toujours à croire en leurs bonnes étoiles. Un avenir qui les attend, là, dans une promesse ailleurs, loin de leur maison qui les engorge.
De toute évidence, ce qui se passe actuellement exige un retour aux fondamentaux. Un État fort et impartial, respectueux des institutions et garant de la protection du peuple et de la propriété.
PAR VIEUX SAVANÉ
