La ville de Tombouctou, située dans le nord du Mali, fait face à d’importants défis menaçant son patrimoine architectural exceptionnel. Après les destructions causées par les groupes terroristes entre 2012 et 2013, la cité légendaire doit aujourd’hui lutter contre l’ensablement, les effets du changement climatique et une urbanisation galopante. Ces facteurs, selon les experts, risquent de porter un coup sévère à son riche héritage historique.
Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1988, la vieille ville de Tombouctou affiche une vulnérabilité croissante face aux aléas climatiques. Ses structures, édifiées en sable et en argile, se dégradent sous l’effet des intempéries et des bouleversements environnementaux. Ce patrimoine unique, qui rappelle le rôle de Tombouctou en tant que centre intellectuel et spirituel majeur des XVe et XVIe siècles, est en péril. Parmi les monuments emblématiques de la ville figurent les célèbres mosquées Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia, vestiges d’une époque où Tombouctou était un foyer de propagation de l’islam en Afrique. Mais leur fragilité les expose à des menaces constantes. « L’état de ces édifices est alarmant », déclare El Boukari Ben Essayouti, chef de la mission culturelle de Tombouctou. Récemment, une mosquée à Toya a été submergée par des inondations, illustrant l’ampleur des dégâts causés par le manque de moyens pour assurer leur préservation. L’urbanisation moderne représente une autre menace. Les constructions en béton, en rupture avec l’esthétique traditionnelle de la ville, dénaturent son harmonie architecturale. Modibo Bagayoko, gestionnaire de projet à l’UNESCO, met en garde contre les impacts économiques et culturels de cette tendance. « Les touristes viennent admirer notre architecture unique, pas des bâtiments en béton », souligne-t-il. Il pointe également les difficultés financières des communautés locales, qui peinent à entretenir les édifices en terre. Pour répondre à ces défis, des initiatives ont été lancées, notamment des ateliers de formation pour les artisans. Ces derniers y apprennent à utiliser des techniques traditionnelles renforcées par des améliorants naturels tels que la poudre de baobab ou la gomme arabique. « L’implication des communautés locales est essentielle pour sauvegarder ce patrimoine », insiste Ben Essayouti. Cependant, Baba Moulaye, président du Forum des Organisations de la Société Civile de Tombouctou, déplore un manque de sensibilisation et d’engagement collectif, qui freinent les efforts de préservation. Rafik Alouani, un touriste tunisien revenu à Tombouctou après 18 ans, exprime sa désillusion : « L’architecture unique de Tombouctou disparaît peu à peu sous l’effet de l’urbanisation ». Ce constat renforce l’appel des experts à valoriser davantage le patrimoine local et le savoir-faire ancestral, afin de préserver l’authenticité et le caractère inestimable de cette cité historique. Une mobilisation collective s’impose pour protéger et revitaliser ce trésor architectural et culturel, unique en son genre.