Les députés de l’opposition au Ghana ont fermement condamné la suspension du juge en chef du pays, accusant le président John Mahama d’essayer de « remplir les tribunaux » avec des juges favorables au parti au pouvoir, le NDC.
Gertrude Torkornoo a été démise de ses fonctions mercredi – c’est la première fois qu’un juge en chef est suspendu dans l’histoire du pays. Cette mesure a été prise après le dépôt de trois pétitions contenant des allégations contre Mme Torkornoo. Le contenu des pétitions n’a pas été rendu public et la concernée n’a pas encore commenté ouvertement la question.
Les partisans de Mahama ont soutenu cette décision, la considérant comme une mesure attendue depuis longtemps pour assainir le système judiciaire. Mais l’opposition l’a condamné comme étant « rien de moins qu’un coup d’État judiciaire éhonté, un abus imprudent du pouvoir exécutif et une attaque directe contre l’indépendance du pouvoir judiciaire du Ghana ».
Mardi, un communiqué de la présidence a indiqué que la juge en chef avait été priée de se retirer afin que les allégations portées contre elle puissent faire l’objet d’une enquête. Depuis l’annonce de la suspension, deux autres requêtes ont été déposées contre Mme Torkornoo.
L’ancien procureur général Godfred Yeboah Dame a déclaré à la BBC qu’il pensait que la suspension était une « mascarade complète… la plus grande attaque contre le [pouvoir judiciaire] dans l’histoire de la nation ».
Avant la suspension de Mme Torkornoo, des avocats ont déposé au moins deux plaintes contestant la légalité de la procédure utilisée par le président. Selon la loi, le président aurait dû remettre des copies de la pétition à la juge en chef avant de la suspendre, ce qu’il n’a pas fait initialement. Cependant, il les lui a ensuite communiquées.
Le groupe des députés de l’opposition affirme qu’en suspendant le juge en chef avant que la Cour suprême ne se prononce sur ces poursuites, Mahama a « violé » la procédure régulière.
Mais certains Ghanéens soutiennent la décision du président.
Le Dr Tony Aidoo, ancien ambassadeur du Ghana aux Pays-Bas, a déclaré à la station de radio Joy News : « Je pense que le président protège le système judiciaire ghanéen des actions d’une personne qui ne se comporte pas d’une manière qui devrait la maintenir en poste… s’il y a une odeur nauséabonde dans la pièce, il faut laisser entrer l’air frais. »
Certains accusent la Cour suprême, sous la direction de Mme Torkornoo, de prendre le parti de l’ancien président Nana Akufo-Addo et de son parti dans plusieurs affaires politiques très médiatisées. Par exemple, l’année dernière, les juges ont jugé que la décision du président de la Chambre des représentants de déclarer vacants quatre sièges de députés était inconstitutionnelle.
Le Ghana a eu 15 juges en chef, dont le travail consiste à superviser l’administration de la justice dans le pays. Ceux qui ont précédé Mme Torkornoo ont terminé leur mandat en prenant leur retraite – aucun n’a été suspendu ou définitivement démis de ses fonctions. Les juges en chef ne peuvent être démis de leurs fonctions que pour quelques motifs, tels que l’incompétence ou la mauvaise conduite.
Mme Torkornoo est la troisième femme juge en chef du Ghana et a été nommée en 2023 par Akufo-Addo. Selon l’agence de presse Reuters, Mme Torkornoo a survécu à une demande de révocation plus tôt cette année, lorsque Akufo-Addo a déclaré qu’une pétition visant à la faire licencier comportait « plusieurs lacunes ».
Un comité composé de cinq membres a été mis en place pour enquêter sur les allégations actuelles contre Mme Torkornoo.
[…] Crédit: Lien source […]