Le principe fondamental de la séparation des pouvoirs, consacré par la Constitution, établit une stricte démarcation des compétences entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Cette règle sacro-sainte interdit toute immixtion intempestive ou arbitraire d’un pouvoir dans les attributions dévolues aux autres. Ainsi, les prérogatives de l’Assemblée nationale, notamment en matière de levée de l’immunité parlementaire d’un député, se trouvent encadrées par des limites claires et précises.
Lorsqu’il est question d’examiner une demande de levée de l’immunité parlementaire d’un député, l’Assemblée nationale doit impérativement éviter de s’immiscer dans le fond de la procédure judiciaire en cours. Elle ne peut, en aucun cas, se substituer au juge pour apprécier la culpabilité ou l’innocence du député concerné. La mission de l’Assemblée nationale se limite strictement à vérifier si la demande de levée d’immunité repose sur des bases sérieuses, loyales et sincères, conformément aux dispositions constitutionnelles et jurisprudentielles. Cette approche a été clairement définie par le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision n°62-18 DC du 10 juillet 1962, qui précise : « L’Assemblée nationale doit uniquement se prononcer sur le caractère sérieux, loyal et sincère de la demande de levée d’immunité parlementaire, au regard des faits sur lesquels cette demande est fondée, et à l’exclusion de tout autre objet» .Ainsi, dans l’examen d’une telle demande, l’Assemblée nationale doit :
Vérifier la régularité et la conformité de la procédure : Cela inclut l’examen des faits invoqués, des qualifications pénales retenues, et des dispositions légales et réglementaires sur lesquelles se base la demande.
Évaluer la sincérité et la loyauté de la procédure : Cette étape vise à garantir que la demande n’est pas entachée de vices procéduraux, de motivations politiques ou d’abus de pouvoir.
S’abstenir de retarder ou d’entraver la justice : Si les éléments présentés par le procureur montrent une apparence de sérieux et de loyauté, l’Assemblée nationale se trouve dans une situation de compétence liée, c’est-à-dire qu’elle ne peut bloquer ou ralentir indûment le déroulement de la procédure judiciaire. La levée de l’immunité parlementaire est un mécanisme délicat qui vise à concilier deux impératifs : Garantir l’indépendance du pouvoir législatif et protéger les députés contre les abus ou les pressions politiques. Permettre à la justice de suivre son cours dans le cadre d’une procédure équitable et impartiale. Ainsi, dès lors que les faits délictueux sont constatés par le procureur et que les qualifications pénales sont clairement établies, accompagnées des dispositions légales enfreintes, l’Assemblée nationale ne dispose plus d’une marge discrétionnaire. Elle doit faciliter le processus judiciaire en se prononçant dans le strict respect des exigences de loyauté et de sérieux. L’Assemblée nationale ne peut ni s’arroger le rôle d’un tribunal, ni retarder injustement les procédures judiciaires. Elle est tenue de jouer son rôle institutionnel avec rigueur et impartialité, afin de garantir l’équilibre entre la protection des parlementaires et l’application équitable de la justice.
Par Amadou Ba, député du Parti Pastef